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Pour la liberté des semences!

De tous temps, nous avons toujours connu et apprécié la diversité. La diversité des peuples, des cultures, des pratiques, des paysages et des aliments. Et avant l’aliment, il y a la semence. Qui dit diversité de notre alimentation dit diversité des semences, non ? Pourtant, nous ne connaissons plus ni la liberté ni la diversité des semences. Certaines communautés, certaines personnes, en Inde, en France, en Iran, partout dans le monde, se battent pour la liberté des semences. Mais comment en sommes nous arrivés là ? Ce contrôle politique et économique des semences menace la liberté des agriculteurs, des paysans, la liberté de la nature de se déployer, la liberté d’avoir un choix sur notre assiette, sur notre santé, sur nos traditions. Bref, ma liberté et ta liberté.

Le contexte historique

L’agriculture a connu des changements majeurs pendant le 20ème siècle. Nous sommes nés pendant ce siècle de grandes mutations, et c’est pour cela  que nous sommes à ce point déconnectés de la terre, des métiers de la terre et de certains enjeux cruciaux qui s’y jouent à l’heure actuelle.

Progressivement, les connaissances et les techniques humaines agricoles ont été remplacées par des machines, des produits chimiques, de grands monopoles. L’industrialisation de notre agriculture est lancée, et jusqu’au jour d’aujourd’hui, cette course folle et destructrice continue d’avancer.

Petit retour en arrière pour comprendre comment la liberté des semences a été perdue:

Pendant la Première (1914-1918) et la Deuxième Guerre Mondiale (1939-1945), les pays en guerre s’affrontent et développent des armes chimiques. Enormément d’armes chimiques. Ces armes chimiques créent des emplois, une économie, des entreprises. Puis d’un coup, la guerre se finit et il n’existe plus de débouchés. L’économie des armes chimiques n’a plus de raison d’exister, elle se meurt, mais elle cherche de nouvelles opportunités pour survivre. Leur idée : faisons quelques modifications sur les armes chimiques de guerre afin de créer des pesticides et des fertilisants. Les intérêts économiques sont sauvés: leur nouveau débouché sera la terre. On construit des discours, des idées, où l’on explique aux agriculteurs qu’ils doivent détruire les bactéries, les envahisseurs, les insectes qui s’attaqueraient aux plantes et donc à leur production finale. Après des milliers d’années, l’agriculture est forcée de se transformer et d’adopter ces armes chimiques au quotidien, sur ses terres, sans aucune idée des conséquences sur la santé des agriculteurs, de la planète où des personnes qui consommeront ces aliments. L’économie des armes chimiques est sauvée, une manne financière immense est créée (toutes les terres agricoles de la Terre), l’économie est rassurée. L’époque dorée des Monsanto et autres entreprises chimiques commence, et en 2012, leur empire est toujours protégé.

Ces entreprises sont spécialisées dans les produits chimiques, dont elles inondent les terres. Résultat : les terres s’érodent, s’appauvrissent, se vident de toutes les formes vivantes qui les peuplaient auparavant. Les terres sont KO et bien sur, les plantes ne poussent plus aussi bien, leur développement est fragilisé. Place au deuxième acte savamment préparé par Monsanto et ses collègues : si les terres sont si pauvres, alors il faut tout miser sur les semences. Des semences de compétition, génétiquement modifiées ou hybrides, résistantes aux changements de climat, aux agresseurs : voilà ce qu’il nous faut pour résoudre le problème des terres.

Les semences hybrides de 1ère génération (F1) sont nées : un croisement entre différentes variétés, avec l’idée de n’obtenir qu’une graine finale, plus forte, plus belle, plus productive que toutes. Ils appellent cela la « superdominance » d’une graine, contrairement aux milliers de graines naturelles, qui seraient faibles et finalement, inutiles. Cette logique va à l’inverse de la logique de la nature, qui est forte grâce à sa diversité, sa souplesse et sa richesse.

Les particularités des semences hybrides

On dit que les hybrides F1 sont de « première génération » : peut être parce qu’en effet, elles ne peuvent être plantées qu’une seule fois, lorsque vous récupérerez quelques graines de votre récolte pour l’année prochaine, surprise : elles sont parfaitement inutilisables. Pas de deuxième génération. Une graine naturelle étant utilisable à  l’infini, ce n’est pas le cas de celles-ci. Superdominance vous diront-ils, intérêt économique très bien pensé je vous assure.

Chaque saison, tous les agriculteurs sont obligés d’acheter de nouvelles semences. Ainsi que de nouveaux pesticides et fertilisants. Fini le temps de la conservation ou du partage des semences, fini le temps de l’indépendance semencière.

La « mafia de la semence »

Aujourd’hui, 5 multinationales contrôlent 75% de la semence potagère planétaire. Le numéro 1 étant, bien évidement, Monsanto.  Pour y arriver, ces multinationales ont racheté des milliers d’entreprises semencières et avec, leurs semences. Ceci a entrainé l’éradication des semences de variétés anciennes. A la place, ces multinationales les ont remplacées par leurs semences hybrides F1.  C’est de ce marché que naît l’esclavage des agriculteurs, qui n’ont désormais le choix que parmi des semences hybrides, qui par principe ne sont utilisables qu’une seule fois.

Lorsqu’un agriculteur consulte le Catalogue officiel des espèces et variété, presque 100% de toutes les semences proposées sont hybrides. En plus, aujourd’hui en France (et ailleurs), la vente, le don ou l’échange de semences de variétés anciennes est illégal.

Comprenons le bien : la nature de la semence plantée définit le type d’agriculture pratiquée. Une semence F1 ou de nature OGM appelle tout un « package » technologique : herbicides, fongicides, intrants chimiques. Une agriculture intensive, productiviste et extrêmement polluante. Ce qui rend les semences hybrides, également responsables, de toute la pollution générée par l’agriculture.

Comment en sommes nous arrivés là ?

Tout ceci a commencé lorsque l’ADN à double hélice a été découvert. L’ADN a suscité chez certains des envies de modification, d’amélioration. Si nous pouvions modifier les gènes, nous pourrions améliorer tellement de choses, pensaient-ils. En matière d’agriculture, les opportunités paraissent innombrables : meilleur goût, plus belle couleur, taille plus appropriée, maturation plus rapide, meilleure résistance au froid, à la pluie, au vent. Les scientifiques ont commencé à manipuler les gènes des aliments et à créer de « nouvelles » espèces. Une fois ces « nouvelles » espèces créées, les Etats Unis d’Amérique les ont protégées par la loi. Leur législation précise qu’une innovation ne peut être vendue, échangée, reproduite. Les semences sont donc devenues une propriété intellectuelle à protéger et à monétariser.

En 1995, et sous la pressions des lobbies industriels,  l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) propose une nouvelle réglementation sur les semences. Cette législation nous dit, grosso modo, qu’à partir du moment où nous pouvons manipuler le vivant, les « nouvelles formes de vivant » créées peuvent être protégées par leur créateur et ont un prix. La législation des USA s’étend au monde entier (c’est-à-dire à tous les pays présents à l’OMC).

Un an plus tard, Monsanto produit la première semence hybride modifiée : le « Roundup Ready » Soja. Sa particularité ou « innovation vivante » comme la qualifierait Monsanto ? Cette semence a été modifiée de façon à résister à l’utilisation de l’herbicide Roundup. Ainsi ils possèdent un monopole sur le produit chimique (le Roundup) et sur la seule semence capable d’y survivre (le « Roundup Ready » Soja). Un business bien ficelé.

Ces entreprises ont rapidement industrialisé et privatisé l’alimentation de toute la planète. En prenant le contrôle sur la source (la semence), le marché de l’alimentation s’est transformé et nous propose désormais  uniquement des variétés conventionnelles, nutritionnellement pauvres, qui réduisent les agriculteurs à un esclavage économique et décisionnel, et nous forcent depuis que nous sommes nés à consommer la même variété de fruits et légumes manipulés.

Résultat : tous les agriculteurs ont été obligés de faire partie du système et l’agriculture est devenue moins résiliente, moins soutenable, beaucoup plus coûteuse. Les petits agriculteurs peinent à survivre et leur autonomie a disparu.

L’argument phare des semenciers

Réduire la faim dans le monde. Dans la logique qu’ils mettent en avant, les agriculteurs des pays en voie de développement (Amérique Latine, Asie) ou des pays moyennement avancés (Afrique) ne peuvent pas satisfaire les besoins alimentaires de leur pays avec leurs semences naturelles et anciennes. A la place, seules les semences modifiées et puissantes pourront réellement mettre fin à la faim dans le monde.

Bien entendu, ces semences ont au contraire pollué et soumis ces pays à une domination économique et sociale.

Les semences, c’est la vie

Une semence contient la vie. La vie qu’elle va engendrer et dont toutes les possibilités sont déjà présentes dans une minuscule graine, celle d’une tomate verte zébrée ou d’un oignon rosé, et la vie qu’elle va rendre possible par la suite, la notre, la votre, celle de toutes les espèces vivantes sur Terre.

Les semences, c’est l’indépendance

Imaginez que vous êtes un agriculteur. Vous faites pousser vos semences, qui donnent de belles plantes, puis de beaux fruits ou de beaux légumes. Vous recueillez quelques graines de ces aliments et les conservez dans un pot, un sac, sur une étagère. Ces graines sont l’assurance pour vous que l’année prochaine, vous pourrez les replanter et recolter à nouveau le fruit de votre travail. Vous pouvez même les offrir, les échanger contre de nouvelles variétés, les partager avec votre communauté. Vous comprenez pourquoi ces graines sont votre gage d’indépendance.

De plus, si vous avez une diversité de semences à votre disposition, vous pourrez adapter votre culture aux changements climatiques, aux besoins nutritionnels, aux saisons. Chaque graine est différente et nous offre cette précieuse souplesse face aux aléas climatiques et humains.

Mais ceci est actuellement quasi impossible. Si vous souhaitez continuer à utiliser des semences naturelles vous faites de la « piraterie de semences ». Et vous êtes passible d’une peine de prison et d’une amende.

Ceci participe à un exode rural massif des agriculteurs qui ne peuvent plus vivre de la terre et de leur travail, laissant la place à des monopoles industrialisés, mécanisés et qui peuvent payer les semences modifiées et les produits chimiques qui les accompagnent.

Lorsqu’on contrôle les semences, on contrôle l’agriculteur et en contrôlant l’agriculteur, on contrôle tout le marché de l’alimentation. Voilà pourquoi le débat sur les semences ne doit pas vous être étranger. Restez informés et actifs !

Et moi, je peux faire quoi ?

Regardez la vidéo de rébellion citoyenne diffusée par Vandana Shiva (le visage de la lutte pour la liberté des semences). Son organisation Navdanya milite pour les droits des agriculteurs et le droit à la biodiversité. Cette femme est d’ailleurs très charismatique et intéressante à écouter, n’hésitez pas à chercher des vidéos ou des discours de sa part, une excellente oratrice et une vraie militante.

En tant qu’agriculteur: rejoignez ou créez une banque de semence. Ici, le kit pour monter une banque de semence (en anglais)

http://seedfreedom.in/wp-content/uploads/2012/06/Seed-Kit.pdf.

Mais vous trouverez également une grande quantité d’informations en français sur internet.

Signez la pétition

http://seedfreedom.in/declaration/

Et surtout, restez informés et actifs!

14 Réponses à Pour la liberté des semences!

  1. Heureusement, même en France certaines organisations, régulièrement persécutées, sont toujours en lutte pour la préservation de la diversité des semences. Vous pouvez d’ailleurs acheter par vous même vos propres graines de « races anciennes » :

    http://kokopelli-semences.fr/

  2. Merci pour votre article. Ce catalogue officiel des semences imposé par l’Union européenne est une aberration qui va à l’encontre de la vie et de la biodiversité, il est important d’en informer comme vous faites. Plus récemment, l’Union européenne a pensé à interdire le commerce de la phytothérapie…

  3. merci cécile ! trés bon article! jean marc

  4. Pourquoi n’y a t’il pas plus de communication et d’actions de résistance à travers les pays qui ont encore le choix? Pourquoi cela s’appelle t’il « résistance » et non « bon sens » ?
    Comment se fait-il que la puissance financière des lobbies permettent encore ce genre de pratiques dans des pays développés et visant plus de responsabilité/durabilité?
    Comment se fait-il que l’argument de l’explosion de la démographie mondiale puisse justifier un système d’agriculture intensive (qui épuise les ressources naturelles et pollue l’environnement pour des générations entières) sans toutefois faire l’objet d’une prise de conscience généralisée au sein des plus hautes sphères de décision alimentaire (gouvernement, industries, associations de producteurs, ou lobbies) : la quasi-totalité des études scientifiques portant sur les dangers avérés d’un tel système (et qui paraissent peu à peu depuis les années 90, comme les bourgeons fleurissaient il y a quelques décennies) font état de l’urgence actuelle et de la nécessité de faire évoluer les mentalités. Evidemment, une grande partie du pouvoir décisionnel est lié au pouvoir financier de ces organisations, et ce pouvoir financier leur est en grande partie conféré par les porte-monnaies des consommateurs. Changer les comportements des consommateurs est ainsi un des leviers de la reprise en main de l’agriculture par les agriculteurs, ayant pour objectif la santé publique bien avant la rentabilité. (ce qui n’est pas incompatible avec une croissance démographie telle qu’elle est observée aujourd’hui : le progès technologique n’est pas synonyme de pollution et d’amenuisement des ressources, bien au contraire). Evidemment, les comportements consommateurs des occidentaux sont fortement dirigés par l’impact de la publicité (représentant la majeure partie des dépenses des groupes industriels de l’agroalimentaire), l’asservissement des perceptions sensorielles (à grands coups de sucre, sel, gras, additifs) et l’illusion des bénéfices d’une telle alimentation (praticité des produits transformés à longue durée de conservation, ou au contraire prêts à consommer, médicalisation du discours nutritionnel, puis stigmatisation du surpoids, et autres dérives perverses du système économico-alimentaire qui jouent sur l’imaginaire des angoisses alimentaires).
    Ce qui m’amène à cette question : existe t’il un moyen (législation, référendums, application des principes démocratiques constitutionnels les plus basiques) d’endiguer ce « cancer » plus rapidement que par les changements de comportements consommateurs? En effet, de plus en plus d’études montrent qu’un système durable (énergiquement, économiquement et environnementalement parlant) est possible, i.e que nous n’avons pas (encore) dépassé le point de non-retour (pollution irréversible d’un trop grand nombre de terres arables, de systèmes hydriques, dégâts climatiques entraînant des diminutions irréversibles de rendement agricoles, etc.).
    A QUAND L’IMPLICATION DES ORGANISMES INTERNATIONAUX (et non multinationaux), dénués de tout intérêt financier?

    Sinon, pour le changement des comportements consommateurs, il me semble que la voie d’action la plus efficace au long terme (la plus durable) est l’investissement dans l’éducation alimentaire. Des classes du goût, intégrées à des pratiques agricoles (potagers, recyclage, etc.) dès le plus jeune âge, et le soutien de projets étudiants créatifs sur les thèmes de la sauvegarde et la promotion de la (bio)diversité alimentaire, de l’assainissement des sols, des eaux et de l’air, de la promotion de saines habitudes de vie (de manière ludique et collaborative, adapté aux nouvelles technologies de l’information et de la communication).

    Fred.

  5. Les produits bio sont donc eux aussi issus de semences HF1 et sont donc également des OGM?

    Merci pour votre site internet qui synthétise très bien tout ce qu’il y a à savoir, vos explications sont vraiment simples et claires, félicitations et merci!

    • Bonjour,

      Oui, certains produits bio sont à la base des semences/graines HF1. C’est le producteur qui doit avoir la volonté, l’envie, le temps, de chercher des variétés traditionnelles!

      Bien à vous,
      Cécile

  6. Article clair, génial, militant, sur un scandale qui m’a fait tomber de ma chaise quand j’en avais eu connaissance…. Et quand je le raconte autour de moi…. Ben je suis navrée de ne pas tellement trouver de gens INDIGNÉS ! Vive les pirates, le circuit court des plants et graines de nos vieux jardiniers du coin sans OGM, vive Kokopélli et les autres!
    Bravo Cécile!
    Agnès.

  7. Vous avez-dit –> Lorsqu’on contrôle les semences, on contrôle l’agriculteur et en contrôlant l’agriculteur, on contrôle tout le marché de l’alimentation. »
    Je voudrais ajouter que quand on contrôle l’alimentation, on est capable d’affamer à tout moment la planète entière. Et là est le but final, non exprimé de l’opération. Il s’agit avant tout d’une des deux armes de la nouvelle guerre. La guerre de l’alimentation pour dépeupler la planète.
    MERDE, alors, NE VOUS LAISSEZ PAS FAIRE !
    ————–
    Signez la pétition. faites la circuler.

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